• En réponse à Philippe


    Ils se nomment Marius, Boris, Ripoll, Rénier, Barboni ou M'Bossolo. Dans les tranchées où ils se terrent, dans les boyaux d'où ils s'élancent selon le flux et le reflux des assauts, ils partagent l'insoutenable fraternité de la guerre de 1914. Loin devant eux, un gazé agonise. Plus loin encore, retentit l'horrible cri de ce soldat fou qu'ils imaginent perdu entre les deux lignes du front, " l'homme-cochon ". A l'arrière, Jules, le permissionnaire, s'éloigne vers la vie normale, mais les voix de ses compagnons d'armes le poursuivent avec acharnement. Elles s'élèvent comme un chant, comme un mémorial de douleur et de tragique solidarité.

    C'est un petit livre de 182 pages ...J'ai mis beaucoup de jours pour le terminer..oh non!! Pas par manque d'intérêt  mais trop d'émotions suscitées par le talent indéniable de L.Gaudé dont je vous avais pas parlé dans La porte des Enfers
    Dans de courts chapitres nous suivont pas à pas des personnages différents qui se retrouvent au front dans les tranchées.Les phrases sèches ,incisives qui se succèdent malgré la différence des personnages donnent une forme incantatoire à ce livre.
    Nous les voyons dans la boue,sous les déluges d'obus,solidaires les uns des autres,certains devenir fous .la peur au ventre qui les paralyse (le passage de la bataille ,baillonnette au fusil....),zombies parmi la relève qui ne comprend pas encore ce que sont ces hommes qu'ils voient passer mais qui eux ne les voient même pas,prisonniers de tout ce qu'ils viennent de vivre.Cette même relève qui très vite va rejoindre le rang de ces morts vivants.

    (....La nuit tombe .il commence à faire froid.Les premiers ne tardent pas à apparaitre.Une grappe d'hommes épuisés qui marchent lentement.La tête basse.Sans parler.Ils trébuchent souvent car il sont  trop fatigués pour ne pas laisser trainer leurs bottes,Une poignée d'hommes .je les regarde passer.On dirait un peuple de boue.On voit à peine la couleur de leur uniforme.Juste de la boue sèchée ,partout.Sur le visage et sur les vêtements .Des barbes de 3 jours .Le regard vide.Je crois qu'ils ne nous ont pas vus.Aucun de nous à salué.Aucun de nous a même adressé un signe de la main ou du regard.Des ombres.Sales et courbées.Je les regarde et il me semble qu'ils suivent un corbillard .Le cortege fantôme avance péniblement.Ils marchent,lents et tristes ,derriere le corbillard invisible de leurs compagnons morts .Il n'y a pas de salut militaire qui tienne .La seule chose qu'il faudrait faire ,la seule chose qui aurait avoir un sens,serait de se signer à leur passage....)

    et puis il y a le permissionnaire,heureux homme qui pour un temps ,petit temps ,va pouvoir tenter de reprendre la vraie vie....Mais le pourra t il vraiment? De toute manière il est condamné à revenir quelques jours plus tard....
    Et quand il revient, toutes ces voix et ces clameurs qui résonnent dans sa tête, il tente de les exorciser à sa manière.Hommage suprême et désespéré à tous ses camarades, morts pour la plupart....

    Ce n'est qu'un roman mais d'une puissance évocatrice puissante qui nous broye les tripes...Je n'ai pu m'empêcher de penser à mon arriere grand oncle qui a enterré 6 frères et cousins dont 2 de ses propres mains.Mon arrière grand père ,lui, a du mourir pratiquement dès le début.Sa femme n'a reçu qu'une seule lettre du Front ...et jamais son corps n'a été retrouvé...
    Quand la guerre a enfin pris fin ,mon arrière grand oncle a mis du temps avant de se réadapter à la vie normale .Puis il a servi de père à ma grand mere en se mariant avec sa belle soeur...Soutien de famille.Personne n' a jamais eu à souffrir de cette décision ,ni ma grand mère qui avait 7 ans à la fin de la guerre ni ma mère ensuite et enfin moi...je me souviens qu'il allait me chercher tous les jours quand j'étais en vacances un" kroumir"...petit pain de seigle aux raisins...C'était mon "pépé ti loup "

    mais ,par  hasard, j'ai trouvé cette chanson sur un poème de G.Apollinaire,écrit pour la femme qu'il aimait LOU et sur une chanson de J. Ferrat.

    Si je mourais là bas...


     

     

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    Magnifique,extraordinaire!! A lire impérativement! Ce n'est pas si souvent que je vous parle en ces termes d'un livre! Mais comment faire autrement? Nous sommes là devant un roman qui aborde tellement de thèmes qui nous touchent,le tout dans  un style litteraire fluide,apparemment simple......

    Nous sommes à Naples.Pippo se prépare un café avant d'aller trouver son assassin.....Son  assassin qui non seulement a tué un être humain mais du même coup aneanti un couple.

    20 ans auparavant ,Pippo a 6 ans et il court dans une rue de Naples derrière son père qui est pressé,derrière son pere qui le houspille pour qu'il aille plus vite sinon il sera en retard....Il a embrassé sa mère, mais vite là aussi ,et il court ...soudain une fusillade ......le père ,Matteo ,se jete sur son fils pour le protéger ....Le calme revient,les gens se relèvent,Matteo se relève.....mais pas Pippo....Une balle ,qui ne lui était pas destinée, l'a foudroyé à à peine 6 ans...


    Non ce n'est pas de la Fantasy! C'est une histoire faite de douleurs ,de remords.Guiliana,la mère,la mamma,n'a qu'une obsesssion :que son mari fasse justice ou qu'il lui ramène son fils ,puisqu'il est incapable de retrouver l'assassin et de le punir...
    Giuliana, progressivement,se détache de tout et part......

    Mattéo erre dans les rues de Naples et fait la rencontre de 4 personnages, tous à la recherche de quelque chose dont un curé, Mazzerotti ,qui accueille en son église tous les perdus,Garibaldo qui fait des cafés en fonction de ce que l'on doit faire ou de son état d'esprit,Grace la prostituée et le "Professore", être un peu fou ......et c'est lui  qui  révèle à Mattéo  comment descendre "Là-bas".Il existe une porte ....Elle s'ouvrira si la personne qui se présente devant elle est susceptible de venir grossir le rang des ombres....
    Alors Matteo décide de la franchir cette porte ,guidé,aidé en cela par le curé.Les 3 autres attendront
    .......
    Et nous devenons des Orphée à la suite de ces hommes ou plutôt de cet homme ,Mattéo car rapidement Mazerotti décline,perd ses forces et meurt....et c'est son ombre qui fera traverser à ce père le "Fleuve des larmes","le buisson sanglant " pour parvenir à la marche des ombres qui gémissent,avalées par le gouffre de la Mort.Certaines de ces ombres brillent et c'est le signe que là haut,au soleil,des gens pensent encore à vous,ne vous laissent pas dans la solitude désespérante de la mort ...

    Matteo voit la lumière de son fils briller au milieu des ombres ....Alors il court,il s'arrache à ceux et celles qui voudraient le retenir car lui,c'est la Vie! Et enfin,enfin,le père et le fils se retrouvent.......Enfin ils peuvent être dans les bras l'un de l'autre ,se dire ce qui n'avait pas pu être dit ce jour là ,tout l'amour qu'ils éprouvaient l'un pour l'autre.

    Jusque là ,j'avais lu sans problème,envoutée par cet univers étrange et fascinant.Mais là.............Comment ne pas se mettre à la place de ce père et de cet enfant ???
    Mattéo ,dans une énorme étreinte ,absorbe l'âme de son fils et prend le chemin du retour,du retour à la Vie......Il va lui ramener son Pippo à sa Giuliana!! Il a rempli sa promesse! Mais arrivé(s) à la Porte ,avec de plus en plus de difficultés ,il comprend.........
    Naples est alors secouée par un terrible tremblement de terre ,la Mort ne voulant pas être depossédée d'une âme ,ne voulant pas que la Vie soit plus forte qu'elle!


    Je ne veux pas tout dévoiler mais si c'est un roman âpre,violent,désespéré,c'est aussi un roman de tendresse pour le genre humain,c'est aussi un roman d'espérance....
    (Mais que les parents ne disent  plus  à leur enfant de se dépêcher.....
    )
    C'est un livre dont on ne sort pas indemne ,il est de ceux qui vous marquent profondément

    Un grand ,très grand ecrivain!!
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    Et en plus il est plutot agreable à regarder......Non?


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  • Apres le film,le livre d'Eric Holder.Si vous voulez en savoir plus sur cet ecrivain allez lire l'interview qu'il a faite pour le magasine LIRE

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    Montmirail, Marne, 51. Antonio, un maçon portugais, croise un jour Véronique Chambon, l'institutrice de son fils. Entre eux se noue une idylle secrète, inavouée. Pourquoi et comment tombe-t-on amoureux ? Il peut suffire d'un regard timide, d'une sonate de violon, d'un champ de blé pour découvrir des sentiments et des émotions qu'on ne soupçonnait pas... Histoire d'une passion simple, Mademoiselle Chambon est aussi une chronique de la vie provinciale.


    J'ai fait l'erreur de me précipiter pour acheter le livre en sortant de la séance de cinéma (pas de quoi se priver,il ne fait que 3€50) ou plutôt de le lire aussitôt arrivée chez moi....Ce n'est pas un livre épais  mais il est dense dans son contenu.
    Du point de vue histoire proprement dite, le film a suivi à peu près (je ne peux pas en dire plus si certains(es) vont le voir mais sachez quand même que le roman est encore plus désespéré)

    Tout d'abord le lieu de l'intrigue :Dans le film il se passe dans les Bouches du Rhône d'où le soleil quasiment omniprésent et qui allège l'atmosphère.Alors que Montmirail (3866 habitants en 2004) est décrit comme une petit ville grise et on sait très bien que la Marne n'est pas réputée (hélas pour nous, pauvres Marnais) pour son ensoleillement....

    Dans le livre, l'amour d'Antonio (poncif du maçon Portugais?) et de Véronique démarre en Février et évolue au fil des saisons pour atteindre son point culminant en été et finir en Septembre avec l'automne donc...
    Véronique Chambon va devenir amie avec la femme d'Antonio ,ce qui accentue le problème évidemment et ne fait que précipiter le dénouement vers le malheur.En effet ,cet amour condamné dès le départ a un effet désastreux sur Antonio qui fuit comme il peut dans une cause à laquelle il n'adhère pas ,comme un lent suicide.....Ce sera, pour lui, un très très  long hiver.....

     J'étais déjà très remuée par le film mais la lecture du roman m'a achevée par sa désespérance.Je ne veux pas dire par là qu'il ne faut pas le lire car il est  excellent  ,écrit sans lyrisme,avec des phrases aux mots si bien choisis ,ciselésqu'ils mettent tout de suite dans l'ambiance,lourde ,feutrée comme il peut y en avoir dans les petites villes où il ne se passe pas grand chose et si bien décrite par d'autres auteurs avant lui,sans aucun effet de style (et du coup il a un style à lui,particulier)
    Eric Holder raconte une histoire simple qui peut (hélas) arriver à tout le monde ,rend hommage aux gens simples eux aussi ,comme vous et moi.

     


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    Ami bonjour!!! Vous savez quoi? j'ai perdu des amis...Non je ne suis pas triste car je sais que je pourrai les retrouver quand je le voudrai ..Il me suffira de me replonger dans ce petit livre de de 218 pages mais tellement riche par son contenu!

    C'est Germain  évidemment mon 1er ami mais s'il n'était pas accompagné de Margueritte (avec 2 "t" ) je ne l'aurais pas forcément écouté...Et pourtant...Il a la "tête en friche "Germain ...car oui, il n'est peut etre pas doté d'une intelligence supérieure  " Si être intelligent ,c'était qu'une question de volonté,je serais un génie,je peux dire.Parce que j'en ai fait des effortsJ'en ai fait! Mais c'est comme si je voulais creuser une tranchée avec une cuillère à soupe.Tous les autres ont des tractopelles ,et moi je suis là comme un con.C'est le cas de le dire ".

    A cause de qui? il a bien son idée sur la question  Germain.D'abord son instituteur qui n'en était pas à son 1er coup d'essai apparemment."Je ne suis pas le seul à avoir dégusté ,je sais bien.Il en a bousillé quelques uns ,le vieux Bayle,avec sa méchanceté ,sa bêtise .Tout confit de savoir,il était.A nous regarder de haut,ce qui n'etait pas dur ,vu qu'on était des mioches et qu'on ne savait rien.Et lui,au lieu de s'en féliciter,d'être content de tout ce qu'il allait nous apprendre,il humiliait les faibles ,les mauvais ,tous ceux qui avaient besoin de lui,vraiment.

    Etre con à ca point là,c'est du talent ,je trouve."


    Mais aussi ,hélas, de sa propre mère.Il n'était qu'un accident du bal du 14 juillet et pas un enfant de l'amour comme a pu l'être Margueritte..Sa mère ,qui ne le supportait pas,qui le frappait avec tout ce qui lui tombait sous la main en l'insultant. Qui bien évidemment ne répondait à aucun des" pourquoi "à répétition que tout enfant pose à ses parents ,ce qui a parfois le don de nous agacer,reconnaissons le.Mais à lire ce livre,je me dis qu'on devrait être contents de cette curiosité insatiable.Elle nous prouve que notre enfant cherche à s'elever,à s'enrichir.Et que nous n'entendrons pas ce constat amer: "Quand on te fait pousser sous cloche,tu peux pas t'élever bien haut."

    Cette mère qui le surprendra tout de même...

     

    Donc il n'est peut être pas doté d'une intelligence supérieure mais il a l'intelligence du coeur...Et je me demande si ce n'est pas l'essentiel.Tellement de gens en manque !


    Alors quid de Margueritte ? C'est une petite femme qui ne touche même pas la terre quand elle est assise sur le banc dans le parc ,banc qui deviendra leur banc. Margueritte qui "n'a pas le format adulte ,pour les bancs." Scientifique,boulimique de lecture et d'une générosité extrême qui la fait cultiver ,l'air de rien ,la tête de Germain car elle s'est aperçue que cette friche n'attendait que ça .Avec en plus la considération et puis plus tard,tout doucement, cette complicité et cet amour entre ces deux  êtres qui se sont choisis .Et puis elle  donne à Germain ,la vieillesse lui ayant  provoqué une  dégéneresnce maculaire, la possibilité de devenir fier de lui  et peut être est ce le plus beau cadeau qu'elle lui aie fait ,même si ce n'était pas voulu.Son amour pour Margueritte pousse Germain sur des chemins complètement inconnus et terrifiants jusqu'alors...Je ne vous dirai pas comment....Lisez ...

     

    Ce roman est bourré de reflexions sur la vie,qu'est ce que devenir parents par exemple,l'amour (Germain aupravant avait des termes crus pour parler de ce sujet) mais au fil de ses rencontres avec Margueritte qu'il a "adoptée" comme grand mère sans jamais le lui dire " J'ai décidé d'adopter Margueritte .Elle va bientôt fêter ses quatre vingt six ans ,il valait mieux pas trop attendre.Les vieux ont tendance à mourir .

    Comme ça ,s'il lui ariive un truc,je sias pas -tomber par terre dans la rue,oiu se faire gauler son sac-je serai là .Je pourrai arriver tout de suite et pousser les gens du milieu,leur dire

    -Ok ! C'est bon ,tirez vous,maintenant! Je m'en charge:c'est ma grand mère.

    Ce n'est pas écrit sur sa tête qu'elle est seulement adoptée.  

    son vocabulaire s'enrichit au point où ses copains commencent à ne plus le reconnaitre ce qui leur pose problemes ..et les sentiments que ces mots nouveaux peuvent véhiculer s'affinent...

     

    Roman sur l'amitié,la place d'un individu dans la société (Germain en veut une absolument et il s'acharne à écrire son nom au stylo "indélébile" sur le marbre du monument aux morts de la ville ce que,chose ô combien significative il ne fera plus après avoir rencontré Margueritte.) tout foisonne dans un style apparemment simple mais où constamment nous sommes confrontés à des reflexions très pertinentes et où les mots peuvent avoir double sens."Je suis là comme un con" et" quand on te fait pousser sous cloche " en sont 2 exemples .Il ne faut pas faire l'erreur de considérer la tête en friche comme une bleuette comme j'ai pu le lire quelque part.C'est un roman profond avec des pépites de style .

    Et je me suis surprise à penser que si Margueritte a cultivé la tête de Germain ,Marie Sabine Roger en a fait autant avec moi,sa lectrice.


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